mercredi 29 juin 2016

Deboussolé

Je crois que c'est à partir de 1989, à la chute du Mur de Berlin, que mon monde s'est fissuré. J'avais grandi avec la certitude d'un monde bipolaire, avec des méchants cachés derrière un mur qui opprimaient des êtres humains, maintenus dans la misère économique, intellectuelle par des tyrans qui avaient dévoyé un bel idéal, face à des "gens de bien", qui défendaient la liberté, garante du meilleur des mondes. James Bond était un peu mon idole, beau mec couvert de femmes, qui pouvait dire à Dr No je crois, une phrase du style "mais pour être aussi cruel, vous ne pouvez qu'être soviétique"!!!

Et puis , le Mur est tombé! La liberté triomphait enfin de la dictature!

J'ai alors découvert que les êtres humains qui vivaient de l'autre côté, s'ils avaient certainement souffert,  étaient néanmoins comme moi, faits d'émotions, de désirs, de quotidien, de culture et de Culture, fait de chair et de sang, avec des vie de famille, des vies d'amoureux-ses, des copains, des amants, etc...qu'on partageait les mêmes désirs d'êtres humains, une Histoire aussi commune, et qu'il n'étaient pas si méchants, voire très gentils!!!
Mais que m'avait-on raconté alors avant 1989? A qui pouvais-je faire confiance?

Peu à peu, je me suis donc reconstruit, avec des doutes pleins partout, des certitudes aussi sur des valeurs auxquelles je croie, les républicaines "liberté , égalité, fraternité," celles des droits de l'homme qui me semblent incontournables, à la base de toute société qui protège ses membres par le droit, et non par la force.Finalement, la chute du Mur m'a permis de me forger "mes" valeurs, de les mieux comprendre, et de comprendre mon monde, que j'avais accepté tel quel depuis ma naissance.

Et puis, il y a eu le  septembre 2001, où une nouvelle forme de "méchants" ont frappé les pays de la liberté. Là, j'ai très vite compris que les méchants n'étaient pas tous ceux que l'ont désignait, qu'il fallait faire une guerre pour de sombres intérêts pétroliers ou autres , et que tout prétexte était bon, sacrifiant au passage une multitude d'êtres humains, rassemblés par des discours simplistes les présentant tous comme de dangereux terroristes en puissance. J'étais édifié, avec mes copains du monde arabe, notamment, d'entendre ces simplifications extrêmes des discours que je pouvais entendre sur les arabes, les musulmans, discours ignorant d'un revers de manche les subtilités de ces cultures si raffinés, ancestrales, différentes, mais en même temps proches, pleines d'ouvertures et de respects. Mais c'est si simple de simplifier. 
J'ai compris que le monde était complexe, nuancé, et qu'il fallait beaucoup oeuvrer pour faire passer cette idée, pour expliquer la connaissance de l'Autre, ce à quoi j'ai essayé de m'atteler dans mon boulot.
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Et puis, en 2008, mon monde de liberté a accouché d'une des  plus belles crises financières de l'Histoire, manquant de ruiner tout un monde. La Grèce en a été une victime expiatoire, avant que d'autres ne le deviennent également.
Mes doutes sur la beauté du monde grandirent encore, sans trouver de réponses. Ils se diversifièrent, me donnant le tournis, tellement la simplification est impossible dans notre complexité actuelle.

Et puis, il y eut ce juin  2016, où nos amis les anglais ont décidé de quitter notre Union Européenne, pour faire cavalier seul, au risque de nous désunir tous, et de se désunir tous. 
Je suis ébahi de ces dirigeants qui militent pour le "leave" et reconnaissent le lendemain avoir menti dans leur campagne(sur les budgets économisés du fait de la non-appartenance à l'UE et qui auraient été affectés à la Santé, promesse sur laquelle ils sont revenus), sur le manque de répartition pour l' après, sur le manque de maturité politique de ces dirigeants. 

J'ose croire que ce Brexit sera salvateur pour refonder un véritable projet européen, respectueux de ses valeurs initiales, où la finance et l'économie n'est plus l'unique objet de désir, mais où l'humain est remis à sa place centrale, où "l'homme est la mesure de toutes choses", comme le disait Protagoras je crois. 
Je ne sais comment on peut aujourd'hui vivre dans un monde si peu lisible, si peu compréhensible, et je comprends le désespoir de beaucoup d'entre nous, totalement déboussolé. 

Je perds du désir, dans tous les sens du terme.
Je ne sais plus trop où aller.
J'ai perdu le sens.

Alors, je me replie sur mes essentiels: ma famille, mes bouquins, la musique, mon territoire proche. Je vois que seules des villes osent répondre concrètement aux problèmes humains (Grande-Synthe et Paris pour les réfugiés par exemple). 
Je me méfie des superstructures, géants aux pieds d'argile, qui peuvent s'écrouler d'une pichenette. 

Mais j'aimerais pouvoir donner de cette fierté et de cet optimisme contagieux autour de moi, pour respirer à plein poumons un air plein d'énergie, alimentant un désir puissant. 
C'est cela, prendre de l'âge, et de la sagesse?

1 commentaire:

  1. Non pas la sagesse, je ne crois pas que ce soit ça, plutôt une lassitude, l'impression de ne plus comprendre le monde, ce qu'il est devenu par rapport à ce qu'on en espérait. Et parfois l'envie de s'en retirer...

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